Deux points, un trait, deux points qui n’arrivent pas / ne sont pas / ne souhaitent pas être reliés. Le titre « •— • » choisit par l’artiste Mélanie Matranga pour sa dernière exposition, à la Villa Vassilieff, est imprononçable, silencieux.
Tout est blanc : les œuvres, les murs, les sols. Pourtant en y regardant de plus près, on s’aperçoit que les murs sont maculés de cheveux, de poussières, de moucherons et que la moquette blanche se tâche à mesure que les spectateurs visitent l’exposition. Si l’installation peut paraître aseptisée aux visiteurs peu attentifs, elle est en réalité très complexe par ces détails presque invisibles. Les pièces présentées : « Moi », « F-E-M-I-N-I-N », « M-A-S-C-U-L-I-N », « Ascendant », reprennent les patrons des vêtements portés par l’artiste. Réalisés en papier japonais et détournés sous la forme d’abat-jours, ces vêtements mettent en lumière leur fonction de seconde peau qui nous permettent d’affirmer à travers eux notre identité.
Travaillant les questions de l’intime et de l’extime, Mélanie Matranga s’interroge sur la réelle possibilité d’affirmer notre identité à l’ère de la production en série: où se situe la frontière entre espace public et espace privé ? Lorsque nous partageons, d’une certaine manière, tous ces vêtements, ils deviennent la structure d’une intimité collective.
Dissimulé dans les poches de ces vêtements fragiles, le son rythme la visite, donnant le ton aux différents agencements de l’espace. Ainsi, celui de la première salle diffuse en boucles les témoignages de Youtubeuses sur leurs expériences sexuelles. Autant de monologues intimes qu’il est possible d’emmener partout avec soi sur nos smartphones mais avec lesquels il est impossible de converser. Ensuite à l’étage, c’est une playlist de musique actuelle choisie par des amis de l’artiste, des morceaux qui rappellent des souvenirs singuliers mais qui sont mis à disposition de tous.
Murs, sols, moquettes, câbles, vêtements, plantes, musiques, témoignages, chaque élément de l’exposition par sa simplicité formelle, révèle néanmoins la façon qu’on les choses de n’être jamais droites. Rien ne s’affirme, les pièces ne sont que l’expression d’une posture tangible dans laquelle l’artiste refuse les certitudes.
Crédits photo :
oeuvre •M-A-S-C-U-L-I-N •, 2018, papier japonais, câbles électriques, téléphone
image : Mélanie Matranga & High Art