L’art ? La Résistance ? Que faut-il retenir du film « Les Fleurs Bleues » d’Andrzej Wajda ? Le regretté réalisateur aurait fêté ses 92 ans le 6 mars s’il était encore parmi nous. Nous souhaiterions lui rendre hommage en partageant cette chronique de son dernier film.
La première fois que j’ai vu « Les Fleurs Bleues », le film réalisé par Andrzej Wajda, c’était au cinéma. C’était la semaine qui suivait sa sortie, peu après le 22 février 2017. C’était un soir d’hiver assez froid et j’étais avec mon père. J’en suis sorti avec une boule au ventre. La deuxième fois que j’ai vu « Les Fleurs Bleues », le film réalisé par Andrzej Wajda, j’ai vu bien plus que ça.
Dans ce long métrage, nous suivons Wladyslaw Strzeminski dans la Pologne d’après-guerre. C’est un peintre célèbre de l’avant-garde, enseignant à l’école des Beaux-Arts de Lodz. Si ses étudiants l’adulent, ce n’est pas le cas du parti communiste au pouvoir, qui lui demande de se plier aux standards totalitaires du « réalisme socialiste ». L’artiste doit faire un choix décisif : se soumettre et être soutenu par le gouvernement ou rester fidèle à ses idées mais avoir une vie difficile. Deux thèmes récurrents de l’œuvre de Wajda sont à l’honneur : l’art et la résistance.
Quand j’ai vu ce film pour la seconde fois, j’ai compris que le réalisateur l’a réalisé en sachant que ce serait son dernier. De fait, le cinéaste est décédé le 9 octobre 2016, presque six mois avant sa sortie en salle. J’ai repensé à « L’immortalité » de Milan Kundera, j’y reconnais les mêmes interrogations, sur la mort et la mémoire, sur ce qui reste quand une personne n’est plus de ce monde. Qu’est-ce qui fait mémoire ? Je crois déceler deux réponses : les souvenirs et l’œuvre. Le personnage absent de la mère, par exemple, est dépeint de manière très différente par trois personnages. La professeure parle de son travail, la fille et le père pensent à des détails plus personnels. Wajda relève aussi la subjectivité de la mémoire. Les différents personnages ne voient pas l’œuvre de Strzeminski du même œil. Le réalisateur guide nos souvenirs, il souhaite qu’on l’associe à l’art et la résistance. Alors j’ai réalisé que ce beau long métrage est une manière implicite de nous dire au revoir, un testament, une lettre d’adieu.
Colin Roustan
Crédit photo : Colin Roustan