Priez pour eux, pauvres pêcheurs.
Loin de tous les fastes de l’Église, El club nous fait pénétrer dans la petite vie recluse de quatre prêtres chiliens « à la retraite » sous la surveillance d’une bonne sœur très souriante et pleine de bonne volonté. Il ne fait pas beau, il ne fait pas mauvais temps non plus. Les timides rayons du soleil illuminent parfois le ciel, les murs et leurs teints gris. Tout commence bien, tout paraît calme et détendu dans cette ambiance hivernale. Les curés jouent avec leur lévrier, ils le font courir sur la plage, l’entraînent, le chronomètrent. Des efforts récompensés par une belle victoire lors de leur première course. Quel bonheur que cette vie de « retraités ».
Mais il fallait que ce nouvel arrivant passe le pas de la porte. Ils savaient tous que ce jour arriverait, qu’un dépravé débarquerait dans la maison. Les yeux tout boursouflés, il ne semble pas très serein.
La visite surprise de son « ami » complètement ivre, déclamant en pleine rue une longue tirade sur leurs anciens rapports, bien trop étroits, sème le chaos. L’homme accusé, à la demande de ses confrères peu compréhensifs, sort de la maison pour le raisonner d’une arme à la main. Touché par ses mots, notre père cède à la pression et rejoint tragiquement les cieux.
À cause des états-d’âmes de cet ivrogne, fini les vacances, l’ambiance devient lourde, leur petit monde reste gris, ponctué par les peintures de la douce Marie.
Visiblement bien trop proches des enfants, de la dictature et au passage d’affaires d’adoptions illégales, la magie de la repentance opère tellement chez ces hommes, qu’ils parviennent à nous justifier leurs crimes comme des actes de bonté et de force morale. Leur ingéniosité, leur calme, leur désaveu, et leurs regards d’hommes incompris gênent et dérangent.
Pablo Larrain, s’attaque aux lourds secrets de son pays, et ne cherche pas à nous épargner. Il nous oblige à nous confronter à ces monstruosités, à les écouter. Ces hommes inflexibles nous regardent droit dans les yeux, et n’ont nul besoin de nous pour trouver leur salut.
La respiration bloquée, je n’étais pas la seule à devoir reprendre mon souffle régulièrement. Les violences ouvertement évoquées, pressent, oppressent, et pourtant il est impossible de détourner l’attention. Au fond de mon siège, les yeux rivés sur l’écran, je souriais pour cacher mon malaise. Le film est crû, très crû, mais il fait l’effet d’une bonne claque, que je me ré-infligerais volontiers.
Article écrit par: Mathilde Hubert