On l’attaque quand il est violent, vulgaire, quand il nous interpelle et nous accuse de vendre notre âme au diable, quand il nous rappelle les œillères que nous entretenons, quand il vient pervertir nos enfants, quand il déborde de haine, quand il revendique trop fort, quand il assume sa radicalité.
Le rap, né contre-culture, continue à chercher son trou et ne peut s’empêcher d’en déborder quand il pense l’avoir trouvé. Les années 70 sont florissantes, le-dit rap se fait entendre, évolue et propose des sous-branches toujours plus nombreuses. Petit à petit, il se diffuse au sein des continents, marqué par certaines personnalités, et son succès ne cesse de le diviser. Se distingue ce que l’on appelle « le rap commercial », autrement dit celui que détiennent les majors, chargées de la diffusion de masse. Par ailleurs, les styles musicaux s’entrecroisent : les sous-genres du rap se développent, se renouvellent en s’accouplant avec tant d’autres sonorités.
C’est notamment sur cette interculturalité musicale que Dooz Kawa se démarque. Artiste ? Rappeur ? Poète ? Pas facile de lui faire accepter une étiquette, quelle qu’elle soit : après tout, c’est nous qui choisirons. Mais voici un homme qui encourage l’idée du rappeur comme poète contemporain. Il parle, ou plutôt il rap d’amour, d’enfance, de politique, de vie d’artiste, et fait de la musique un réel médium d’expression personnelle. Il s’inspire d’influences aussi bien électro que tziganes, qui lui ont d’ailleurs permis de réaliser un concert avec le conservatoire de l’orchestre national de mandoline à Marseille. Un joli succès pour diversifier ses publics, chacun balançant la tête au rythme du beat et de la double-croche. De même, il sort du cadre, ou plutôt de son cadre, lorsqu’il est invité par l’École Nationale Supérieure de Paris pour parler de son rapport aux mots à travers un format conférence. Car ses textes cachent mille jeux de mots, mots qui slaloment entre métaphores, oxymores et autres figures de style frénétiques. Si on connaît la poésie, on retrouvera des références à Baudelaire, Lautréamont, Bachelard, Aragon… aussitôt désacralisées par une punchline subtilement vulgaire qui nous ramène à la rue.
Dooz Kawa expire la désillusion (la figure de l’ange déchu campe à chaque coin de tracks), et slam sur une voix d’écorché, qui dérape et perd pied quand elle évoque la folie qui nous entoure (l’apocalypse plane dans chaque titre). Si son premier album, sorti en 2010, se nomme Étoiles du Sol, lui est définitivement une étoile montante.
Lili Weyl
Crédits photo : Cédric DARBORD © LYON HIP HOP