Le cinéaste de Canine (prix un Certain Regard à Cannes) Yorgos Lanthimos ressort ses pinces pour sublimer l’amour et la solitude dans The Lobster, long-métrage surréaliste.
A l’occasion de l’ouverture du Festival International du Film Indépendant de Bordeaux (FIFIB) au Rocher de Palmer, un film étrange était à l’honneur, The Lobster du cinéaste grec Yorgos Lanthimos, récipiendiaire du Prix du Jury au dernier Festival de Cannes.
Fidèle à sa patte cynique et corrosive, Lanthimos nous projette ici dans la fable d’un univers absurde et autiste où le couple est devenu un impératif. Parler de The Lobster serait difficile sans évoquer son synopsis : Toute personne célibataire est arrêtée, transférée à l’Hôtel et est tenue de rencontrer sous les 45 jours l’âme sœur. Passé ce délai, elle sera transformée en l’animal de son choix. Pour échapper à ce destin, un homme s’enfuit et rejoint dans les bois un groupe de résistants.
La fable confronte, face à un régime tyrannique peuplé d’âmes en peine délaissées, pensionnaires malgré elles d’un destin funeste, l’organisation dans la forêt de la lutte des Solitaires. Dos à dos se retrouvent deux visions proches d’une répression puritaine en conflit l’une contre l’autre. C’est au centre de ces deux huis-clos qu’atterrit David (Collin Farrel), quarentenaire bedonnant négatif, incapable de faire face à une rupture, nous introduisant dans ces curieux quotidiens millimétrés par des règles de mœurs aseptisées. C’est une tout autre métamorphose, non pas animale, mais humaine, qui s’opère lorsque David décide de s’affranchir des diktats pour renaître dans un amour douloureusement beau.
Sur fond de paysages d’Ecosse et d’Irlande sublimés par la photographie de Thimios Bakatakis, Lanthimos démontre sa capacité à cultiver l’élégance surréaliste, distillée cette fois-ci avec un humour noir par moments grinçants. Dans un style très soigné, avec des scènes de ralentis et des compositions de plans très esthétiques, toute l’intelligence de The Lobster est de fomenter un laboratoire social fascinant et inquiétant. Un monde où les réponses sont indéfinies. Un monde où l’amour (illustré par le tandem Collin Farrel et Rachel Weisz) ne passe plus que par un langage de gestes, cryptés pour les bourreaux des épanchements sentimentaux et les ébats sexuels. Le miroir sociétal que représente ce huis-clos étendu (l’Hôtel, la forêt, la ville) reste néanmoins difficile à saisir de la part de son auteur. L’amour est-il la plus belle manière de taire les extrêmes ou une façon de se soumettre à l’autre aveuglément ?
Article écrit par Vincent Penru