Regards sur le retour au logement, des femmes, un documentaire et après la rue ?
Quand on marche dans la rue, détourne-t-on le regard ? Des questions nous percutent souvent. Comment vivent-elles ? Comment s’en sortent-elles ? Sont-elles heureuses ? Pourquoi elles et pas moi ? Retrouveront-elles un logement ? Un emploi ? Seront-elles heureuses ? Une jeune femme, Anaïs Cadilhon, s’est attelée à nous le faire découvrir au travers d’un documentaire : Et maintenant les cimes. Trois caméras, trois regards, pour aborder le retour au logement après des années à la rue. Pendant six mois, Jaky et Elina filment tout ce qu’elles veulent dévoiler.
Elina filme le miroir, qu’elle a du mal à accepter. Elle filme ses pas sur le trottoir ou la pluie vue par la fenêtre. Oui, la pluie, ça ne lui manque jamais. Et Jaky pose sa caméra et raconte. Ses photos d’enfance ou sa sensation à la vue des cimes comme une revanche après avoir longtemps vécu cachée dans les buissons. On découvre de la difficulté à garder la porte ouverte à la dure réappropriation du « chez soi ». La troisième caméra, c’est Anaïs qui filme. Parfois les faire parler, souvent pour les rassurer.
Le documentaire marque et questionne. Comment réagit-on ? Et si j’étais à sa place, à leur place ? Demain ? Que puis-je faire pour les aider ? Dans la rue, certains changent de trottoir, d’autres arborent un sourire aimable. Pourquoi ?
On entend qu’elles ont à la fois aimé et détesté vivre dehors. Comprend-on ? On avance avec elles, on apprend sur la précarité des situations et comment elles ont été aidées, comment elles ont survécus. On découvre la construction et la force de la femme, dans son entièreté et sa fragilité. Mais aussi la reconstruction de cette femme, qui ne sait plus vivre enfermée, qui veut accueillir toute la rue dans son appartement sans le pouvoir. Et surtout, on découvre la solidarité. Dans la rue, on s’aide, on s’aime, on partage, on souffre ensemble. Mais alors, la réappropriation du chez-soi est d’autant plus dure.
On comprend ce qu’il y a derrière les portes. Et c’est agréable, pour le spectateur, d’entendre ses personnes dont la voix est souvent absente. Des femmes qui vivent à la rue puis qui cherche à se reconstruire dans l’indifférence de la société. Et une phrase d’Elina résume toute l’histoire « l’autre ne peut pas parler pour toi ».
Paola Richard
Crédit photo : Anaïs Cadilhon