Et à ceux qui tenteront un jour l’expérience
Avez-vous déjà pris conscience du nombre de personnes seules dans les salles de cinéma?
Il existe selon moi deux types de personnes dans les lieux publics, les accompagnés invétérés et les solitaires passionnés. J’ai toujours été fascinée par cette capacité à supporter sa simple présence en terres conventionnées. Je nommais ainsi ces espaces qui n’appartiennent à personne, si ce n’est à nos pratiques et récits communs.
Prenons le cinéma, topos social par excellence. Quasiment aussi conventionné qu’un restaurant tendance un 14 Février. On y va entre amis, entre amants, on partage un pot de popcorn. On s’embaume de cette odeur de maïs, de beurre et de sucre. Puis le ballet commence sur la moquette rouge. On hésite, on questionne : « tu veux te mettre là ? ». On finit par s’installer dans ces gros fauteuils si confortables. On papote, on mange l’intégralité de nos confiseries hors de prix avant la fin des bande-annonces et puis on se quitte partiellement jusqu’à la fin du film, se jetant quelques regards complices de temps à autres.
Avant ce samedi 12 décembre 2018 à 17h25, j’étais une accompagnée. Et puisle film de Paul Dano est sorti au cinéma. Wildlife : une saison ardente a sonné le glas de ma solophobie. Pour Paul Dano et moi-même, ce fut une première. L’un devint officiellement réalisateur, l’autre une aficionado du ciné en solo.
L’appréhension de n’avoir personne avec qui discuter s’est finalement transformée en plaisir d’être seule face au film. On entre dans un dialogue profond avec l’œuvre cinématographique. C’est un tête-à-tête qui nous marque. Nous devenons ce solitaire passionné, lové dans une bulle de coton et le récit semble survivre longtemps après le déroulement du générique. Le silence d’après-séance est d’autant plus agréable qu’il nous enveloppe jusqu’à ce que la réalité se ramène à nous. Nul besoin de mettre des mots sur ce que l’on vient de vivre, chaque instant remémoré est une friandise pour la mémoire, un plaisir délicat et profondément individuel qui se niche en nous.
Jusqu’à ce jour, je n’avais jamais remarqué le nombre de gens seuls au cinéma. Aujourd’hui, je les regarde avec sympathie et je me réjouis d’avoir sauté le pas.
Crédits photo : Naïa Larréguy